Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/335

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La locomotive ralentit et s’arrêta juste au delà de l’endroit où un angle de la maison pénétrait dans la pente abrupte du talus. Une machine ne peut s’arrêter que lentement, mais la cause vivante de l’arrêt n’en avait pas moins été soudaine. Un homme entièrement vêtu de noir, portant même (on se souvint, dans la suite, de ce détail funèbre) des gants noirs, parut au haut du talus, au-dessus de la machine, et fit tournoyer ses mains noires, comme un moulin à vent. Une telle action, en soi, n’eût pas suffi à arrêter un train, même un train de banlieue. Mais cet homme émettait un cri que l’on qualifia, par la suite, de monstrueux. C’était un de ces cris qui sont horriblement distincts, même lorsqu’on n’entend pas ce que l’on crie : « Au meurtre ! »

Le mécanicien prétend qu’il aurait stoppé, même s’il n’avait entendu que le son terrible du cri, sans en comprendre le sens.

Une fois le train arrêté, on put, d’un coup d’œil superficiel, se rendre compte des principaux éléments de la tragédie. L’homme en noir, sur le talus vert, était Magnus, le domestique de Sir Aaron Armstrong. Dans son optimisme, le baronnet s’était souvent moqué des gants noirs de son morne valet, mais personne ne songeait à s’en moquer en ce moment.

Les premiers passagers qui descendirent du train et enjambèrent la haie enfumée aperçurent, presque au bas de la pente, le corps d’un vieillard enveloppé d’une robe de chambre jaune, avec une doublure rouge vif. Un bout de corde sem-