Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/331

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je n’ai besoin de rien ajouter, dit le Père Brown. Ils le jugèrent dans le désert et l’exécutèrent. Puis, pour sauver l’honneur de sa fille et de l’Angleterre, ils firent le serment de sceller à jamais du sceau du secret la bourse du traître et l’épée brisée de l’assassin. Peut-être — que Dieu leur soit en aide ! — essayèrent-ils de l’oublier. Essayons de l’oublier aussi. Voici notre auberge.

— De tout mon cœur, dit Flambeau.

Il était sur le point de pénétrer dans le bar bruyant et illuminé, lorsqu’il fit un pas en arrière, et faillit tomber sur la route.

— Regarde, au nom du diable ! cria-t-il, indiquant d’un doigt rigide l’enseigne carrée, suspendue au-dessus de la porte. On y distinguait vaguement la forme d’un pommeau de sabre avec une lame écourtée. En dessous, se trouvait une inscription tracée en mauvais caractères archaïques : À l’épée brisée.

— Ne t’y attendais-tu donc pas ? demanda doucement le Père Brown. C’est le dieu de ce pays ; la moitié des auberges, des parcs et des rues portent son nom ou quelque nom qui se rattache à sa légende.

— J’espérais ne plus jamais voir ce lépreux, dit Flambeau en crachant sur le chemin.

— On le verra toujours en Angleterre, dit le prêtre en baissant les yeux, tant qu’il y aura du bronze et des pierres. Ses statues de marbre exalteront encore l’âme des jeunes garçons fiers et innocents, pendant des siècles. La tombe de son village répandra un parfum de loyauté plus pé-