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Brown se tut un instant, puis reprit :

— Il y a une voix inconnue qui me dit que l’homme qui devina était l’amoureux… l’homme qui épousa, plus tard, la fille du vieillard.

— Mais comment expliques-tu l’attitude d’Olivier et la pendaison ? demanda Flambeau.

— En partie par générosité, en partie par intérêt, Olivier n’encombrait jamais sa marche de captifs. Il relâchait presque toujours tout le monde. Et il relâcha tout le monde, cette fois aussi.

— Tout le monde, sauf le général.

— Tout le monde.

Flambeau fronça ses sourcils noirs :

— Je ne comprends pas bien, dit-il.

— Il y a un autre tableau, Flambeau, dit le prêtre, à mi-voix, d’un ton inspiré. Je ne puis le prouver ; mais je puis faire mieux — je puis le voir. Une troupe lève le camp, le matin, au sommet d’une colline dénudée et desséchée. Les uniformes brésiliens sont massés en colonne, pour la marche. Je vois la chemise rouge et la longue barbe noire d’Olivier, flottant au vent. Il tient son chapeau en main, saluant le noble ennemi qu’il vient de mettre en liberté — le simple vétéran anglais, aux cheveux blancs, qui le remercie au nom de ses hommes. Les derniers survivants de sa troupe sont rangés derrière lui, au port d’arme. À côté d’eux se trouvent des provisions et des charrettes pour la retraite.

Les tambours battent aux champs ; les Brésiliens se retirent ; les Anglais restent immobiles comme des statues. Ils restent dans la même