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— Eh bien, qu’y a-t-il de particulier à cette épée ? Les officiers en portent généralement, n’est-ce pas ?

— On n’en parle guère, dans la guerre moderne, dit l’autre avec indifférence. Mais, dans cette affaire, on rencontre cette épée partout.

— Quelle importance cela a-t-il ? grogna Flambeau. C’est un vulgaire accident démesurément grossi. L’épée du bonhomme s’est brisée dans sa dernière bataille. Tout le monde pouvait deviner que les journaux se seraient emparés de ce détail comme ils l’ont fait. Sur toutes ces tombes, sur tous ces monuments, on représente cette épée brisée. J’espère que tu ne m’as pas entraîné dans cette expédition polaire uniquement parce que deux hommes, cultivant le détail pittoresque, ont vu l’épée brisée de Saint-Clare.

— Non, cria Brown avec une voix aussi brève qu’un coup de revolver ; mais qui a vu son épée intacte ?

— Que veux-tu dire ? cria son compagnon, en s’arrêtant sous les étoiles.

Ils venaient de sortir des grilles grises du bois.

— Qui a vu son épée intacte ? répéta le Père Brown, avec entêtement. Pas l’auteur du journal, en tout cas. Le général la rengaina juste à temps.

Flambeau regarda autour de lui, dans le clair de lune, comme un homme, brusquement aveuglé, pourrait regarder en plein jour. Et son ami continua, en s’animant pour la première fois :