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Au coucher du soleil, celui-ci s’était pourtant décidé à conserver ses positions qui étaient très fortes. À l’aube, le lendemain, il fut stupéfait de voir que cette poignée de soldats, sans aucun appui de l’arrière-garde, avaient traversé la rivière les uns sur un pont, vers la droite, les autres à l’aide d’un gué, en amont, pour se masser sur la rive marécageuse, en dessous de ses positions.

Il était déjà inconcevable qu’une troupe aussi faible tentât d’attaquer celles-ci ; mais Olivier constata un fait encore plus extraordinaire. Au lieu de s’efforcer immédiatement de s’établir sur un sol plus ferme, ce régiment insensé, qui venait, par une charge folle, de mettre la rivière derrière lui, ne bougea plus, mais resta là, collé dans la boue, comme des mouches dans de la mélasse. Inutile de dire que les Brésiliens creusèrent de grands vides dans les rangs des Anglais, qui ne purent répondre que par une vive fusillade qui se ralentit bientôt. Pourtant, ils ne rompirent pas les rangs, et le récit laconique d’Olivier se termine par un hommage d’admiration au courage mystique dont firent preuve ces imbéciles. « Nos lignes s’avancèrent enfin, dit-il, et les repoussèrent dans la rivière. Le général Saint-Clare fut fait prisonnier, ainsi que plusieurs de ses officiers. Le colonel et le major étaient tous deux morts en combattant. Je ne puis m’empêcher de dire que l’histoire a, sans doute, présenté peu de spectacles aussi impressionnants que la résistance désespérée qu’offrit cet extraordinaire régiment. Les officiers blessés ramassaient les fusils des soldats morts, pour faire le