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psychologies. Dans cette campagne brésilienne, deux des hommes les plus fameux de l’histoire moderne agirent à l’encontre de leur caractère. Olivier et Saint-Clare étaient tous deux — ne l’oublions pas — des héros à l’ancienne mode. Il n’y a aucun doute à avoir à ce point de vue ; c’était comme le combat d’Hector contre Achille. Mais que dirions-nous d’une lutte dans laquelle Achille se serait montré timide et Hector félon ?

— Continue, dit l’autre impatiemment, tandis que Brown se mordait de nouveau le doigt.

— Sir Arthur Saint-Clare était un soldat de l’ancien type religieux — du type qui nous sauva lors de la révolte des cipayes. Il faisait passer le devoir avant la bravoure, et, malgré son grand courage personnel, était considéré comme un chef particulièrement prudent, que tout gaspillage inutile de vies humaines avait le don de révolter. Pourtant, dans ce dernier engagement, il tenta un effort qui, aux yeux même d’un enfant, eût paru absurde. Il n’est pas besoin d’être grand stratégiste pour voir que cette entreprise était folle ; de même qu’il n’est pas nécessaire d’être grand stratégiste pour se garer d’une automobile. Tel est le premier mystère. Où le général anglais avait-il la tête ? La seconde énigme est celle-ci : Où le général brésilien avait-il le cœur ? On peut considérer le président Olivier comme un utopiste ou un fléau public, mais ses pires ennemis reconnurent toujours qu’il était magnanime comme un chevalier errant. Tous les autres prisonniers qu’il fit, sur le champ de bataille, furent ou bien relâchés, ou bien comblés de pré-