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ce que tout le monde sait, par ce qui est faux.

— Si ce n’est tout à fait faux, c’est du moins fort incomplet, continua Brown ; car, en fait, tout ce que le public connaît de l’affaire se réduit à ceci : Arthur Saint-Clare était un grand général anglais qui remporta maintes victoires. Après plusieurs campagnes en Afrique et dans l’Inde, où il se montra aussi prudent que hardi, il se trouva à la tête des troupes dirigées contre le Brésil, lorsque le grand patriote brésilien Olivier lança son ultimatum. On sait qu’au cours de cette lutte, Saint-Clare, à la tête d’une petite troupe, attaqua Olivier, à la tête d’une nombreuse armée, et fut fait prisonnier après une résistance héroïque. On sait aussi qu’après avoir été fait prisonnier, et au scandale du monde civilisé, Saint-Clare fut pendu à l’arbre le plus proche. On le trouva là, après que les Brésiliens eurent battu en retraite, son épée brisée attachée autour du cou.

— Et cette tradition populaire est fausse ? demanda Flambeau.

— Non, répondit son ami, elle est exacte, jusqu’à un certain point.

— Ce point me semble assez concluant, dit Flambeau ; mais, si cette tradition est exacte, où donc gît le mystère ?

Après qu’ils eurent passé devant plusieurs centaines d’arbres gris, d’aspect fantômal, le petit prêtre se mordit pensivement le doigt et répondit :

— Le mystère est un mystère de psychologie. Ou, pour mieux dire, c’est le mystère de deux