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— Assez ! cria Flambeau.

— Il aurait dû gagner dix millions en pressant sur ce bouton, continua le prêtre du ton incolore avec lequel il parlait de telles horreurs. Mais son truc rata. Il rata parce qu’il y avait quelqu’un d’autre qui désirait obtenir cette fortune et qui connaissait la secrète faiblesse de la vue de Pauline. Il y a un détail, concernant ce testament, que personne, je pense, ne remarqua : Quoiqu’il fût inachevé et non signé, l’autre Miss Stacey et sans doute sa servante l’avaient déjà signé comme témoins. Joan le signa d’abord, disant que Pauline pourrait le rédiger plus tard, avec ce mépris des formes légales qui caractérise tant de femmes. Joan désirait donc que Pauline signât le document, sans que les témoins fussent présents. Pourquoi ? Je me suis souvenu de l’infirmité de Pauline, et je suis convaincu que, si Joan s’arrangea pour que Pauline signât dans la solitude, c’est qu’elle voulait qu’elle ne signât pas du tout.

Des gens comme les Stacey emploient toujours des plumes-réservoirs ; mais c’était plus qu’une affaire de goût, chez Pauline. Par habitude et à force de volonté et de mémoire, elle pouvait encore écrire presque aussi bien que si elle y avait vu ; mais elle ne pouvait savoir lorsque sa plume devait être remplie. C’est pourquoi toutes ses plumes étaient soigneusement remplies par sa sœur, toutes, sauf celle dont elle se servit aujourd’hui. Celle-ci fut au contraire soigneusement vidée. Les dernières gouttes d’encre tracèrent les premières lignes, puis la plume tarit complè-