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— Elle était toute seule lorsqu’on l’a assassinée, répondit le prêtre.

Tous les regards se tournèrent vers lui, mais il demeura assis dans la même attitude misérable, la même ride au front, comme si une honte et une peine anonyme l’oppressaient ; sa voix restait triste et incolore.

— Ce que je demande, moi, cria Kalon avec un juron, c’est quand la police viendra arrêter cette sœur sauvage et sanguinaire. Elle a tué sa chair, elle a versé son sang, elle m’a pris dix millions qui m’appartenaient déjà aussi entièrement que…

— Voyons, prophète, interrompit Flambeau avec mépris, n’oubliez pas que tout ce monde n’est qu’un mirage.

Le hiérophante du dieu-soleil fit un effort pour se hausser de nouveau sur son piédestal.

— Ce n’est pas tant l’argent, cria-t-il, quoiqu’il eût suffi à lancer notre cause dans le monde entier. C’est aussi la volonté de mon amie. Pour Pauline tout ceci était sacré. Aux yeux de Pauline…

Le Père Brown sauta debout si brusquement que sa chaise tomba par terre, derrière lui. Il était pâle comme un mort, et cependant il semblait brûler d’espoir ; ses yeux étincelaient.

— C’est cela ! cria-t-il d’une voix claire. C’est ainsi qu’il faut commencer : « Aux yeux de Pauline… »

Le gigantesque prophète battit en retraite devant le petit prêtre, l’air égaré.

— Que voulez-vous dire ? Comment osez-vous… répéta-t-il.