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d’un papier bleu. Son sourire ironique s’accordait mal avec l’ensemble de la scène, et Flambeau la regarda, non sans quelque défiance.

Le prophète Kalon évita de toucher au papier, avec ce royal désintéressement qu’il n’avait cessé de manifester jusqu’alors. Mais Flambeau s’en saisit et le lut avec stupeur. La première phrase était bien la formule ordinaire d’un testament, mais, après les mots : « Je donne et lègue tout ce que je possède », l’écriture s’interrompait brusquement et quelques traits indéchiffrables tenaient lieu du nom du légataire. Flambeau tendit ce testament truqué à son ami qui, après l’avoir parcouru silencieusement des yeux, le passa à son tour au prêtre du soleil.

L’instant d’après, ce pontife en longues draperies traversait la chambre en deux enjambées et dominait de sa haute taille Joan Stacey.

— Quel mauvais tour m’avez-vous joué là ? cria-t-il, les yeux hors de la tête. Ce n’est pas tout ce que Pauline a écrit.

Ils furent surpris de l’entendre parler d’une voix toute différente, la voix perçante d’un Yankee. Toute sa majesté, tout son beau langage, lui étaient tombés des épaules, comme un manteau.

— C’est, en tous cas, tout ce que j’ai trouvé sur son bureau, dit Joan, en lui tenant tête avec le même sourire ironique.

Tout d’un coup, l’homme se répandit en violents blasphèmes, en une cataracte de mots vengeurs. Il y avait quelque chose d’horrible à lui