Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/292

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais, afin que ne subsiste aucun souffle de cet idiot soupçon, je vous dirai tout ce que vous devriez connaître. Je crois savoir comment ma malheureuse amie a péri. Vous pouvez, si vous voulez, me blâmer pour cela, ou critiquer ma foi et ma philosophie, mais vous ne pouvez pas me condamner. C’est un fait bien connu de tous ceux qui étudient les vérités sublimes, que certains adeptes, ou illuminati, ont acquis la faculté de lévitation — c’est-à-dire qu’ils peuvent rester suspendus dans le vide. Ce n’est là qu’un aspect de cette domination exercée sur la matière qui est l’élément le plus important de notre sagesse occulte. Cette pauvre Pauline était douée d’un tempérament impulsif et ambitieux. Je pense, pour parler franc, qu’elle se croyait plus avancée dans la connaissance de ces mystères qu’elle ne l’était en réalité. Et elle m’a souvent dit, tandis que nous descendions ensemble par l’ascenseur, que, si notre volonté était assez forte, nous pourrions nous laisser tomber sur le sol avec la légèreté d’une plume. Je suis solennellement convaincu que, dans un moment d’extase, elle tenta d’accomplir ce miracle. Sa volonté ou sa foi ont dû lui manquer, au moment critique ; et la loi inférieure de la matière s’est vengée cruellement sur elle. Voilà toute l’histoire, messieurs, très navrante et, selon vous sans doute, très présomptueuse et coupable, mais certainement pas criminelle. Je ne puis donc publiquement en être rendu responsable. Dans le style laconique des bureaux de police, vous ferez mieux de l’appeler un suicide. Ce sera toujours,