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velure prématurément grise aux tempes, marcha droit à son bureau, et rassembla vivement ses papiers en les tapant légèrement sur la table. Cette action si simple rendit à chacun le sens de la réalité. Si Miss Joan Stacey était coupable, elle n’avait pas perdu son sang-froid. Le Père Brown la fixa un certain temps, avec un sourire bizarre, puis, sans détourner les yeux, il s’adressa à Kalon.

— Prophète, dit-il, je serais heureux si vous vouliez me renseigner sur votre religion.

— Je serai heureux de le faire, répondit Kalon, en inclinant sa tête couronnée, mais je ne suis pas certain de vous comprendre.

— Voici pourquoi, dit le Père Brown avec une franchise hésitante : on nous enseigne que, si un homme possède de mauvais principes, il doit être en partie responsable. Mais, malgré cela, il faut distinguer entre l’individu qui calomnie la pureté de sa conscience et l’individu dont la conscience est réellement obscurcie par ses sophismes. Pensez-vous, par exemple, qu’il y ait quelque chose de mal à commettre un meurtre ?

— Est-ce un réquisitoire ? demanda Kalon, avec le plus grand calme.

— Non, répondit Brown, avec la même amabilité. C’est un plaidoyer.

Dans le silence solennel qui suivit ces paroles, le prophète d’Apollon se leva. Et ce fut vraiment comme si le soleil même se levait. Il remplit à ce point la chambre de sa lumière et de sa vie, que l’on sentait qu’il eût aussi bien pu remplir