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ment si elle lui avait inspiré de la sympathie ou de l’antipathie, tant elle attirait et repoussait à la fois l’affection. Mais elle avait occupé une certaine place dans sa vie, et l’intolérable sentiment de certains détails lui plantait au cœur le poignard d’un deuil. Il se souvenait de son joli visage, de ses discours prétentieux, avec cette mystérieuse netteté qui ajoute tant à l’amertume de la mort. En un instant, comme la foudre tombant d’un ciel serein, comme un aérolithe surgissant de l’infini, ce beau corps orgueilleux avait été précipité dans le puits de l’ascenseur pour venir s’écraser au fond. Était-ce un suicide ? De la part de cette insolente optimiste, cela semblait impossible. Était-ce un meurtre ? Mais qui aurait pu commettre le crime dans ces appartements déserts ? Dans un flot de paroles rauques, qu’il voulait rendre impérieuses, mais qui s’étranglèrent dans sa gorge, il demanda où se trouvait l’individu répondant au nom de Kalon. Une voix lente, calme et pleine l’assura que, depuis un quart d’heure, Kalon se trouvait sur son balcon, adorant son dieu. Lorsque Flambeau sentit la main du Père Brown dans la sienne, il tourna vers lui son visage sombre et dit brusquement :

— S’il a été là-haut, tout ce temps, qui peut donc l’avoir fait ?

— Peut-être, répondit l’autre, ferions-nous mieux de monter voir nous-mêmes. Nous avons une demi-heure devant nous, avant que la police n’arrive.

Confiant le corps de l’héritière aux chirurgiens,