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— Non, repartit l’autre, la raison est toujours raisonnable même dans le dernier limbe, à la dernière frontière des choses. Je sais qu’on accuse l’Église de ravaler la raison, mais c’est le contraire qui est vrai. Seule, ici-bas, l’Église place vraiment la raison au-dessus de tout. Seule, ici-bas, l’Église affirme que la puissance de Dieu elle-même se meut dans les limites de la raison.

Le grand prêtre leva sa tête austère vers le ciel constellé et dit :

— Pourtant, qui sait si dans cet univers infini ?…

— Physiquement infini, interrompit l’autre en se tournant brusquement sur son siège, non pas infini au point d’échapper aux lois de la vérité.

Derrière son arbre, Valentin, se grattait furieusement et silencieusement les ongles. Il entendait déjà les railleries des détectives anglais que ses conjectures fantaisistes avaient conduits si loin pour entendre le bavardage métaphysique de deux vieux prêtres inoffensifs. Dans son agitation, il perdit la docte réponse du grand prêtre, et, lorsqu’il écouta de nouveau, le Père Brown avait repris la parole :

— La raison et la justice embrassent, dans leur étreinte, l’astre le plus lointain. Regardez ces étoiles. Ne semblent-elles pas être faites de diamants et de saphirs ? Vous pouvez imaginer la botanique et la géologie la plus folle, évoquer des forêts de diamants avec des feuilles de brillants, une lune bleue faite d’un seul éléphantesque saphir. Mais ne croyez pas que cette