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tradiction absolue avec ses théories utilitaires. Elle avait conservé son argent pour le consacrer, disait-elle, à des œuvres sociales pratiques. Elle en avait placé une partie dans son entreprise, qui constituait le noyau du modèle emporium de la dactylographie ; elle en avait consacré une autre à fonder diverses ligues et sociétés pour encourager les femmes à se consacrer au même travail. Nul n’aurait pu dire si Joan, son associée, partageait entièrement les aspirations tant soit peu prosaïques de cet idéalisme. Mais elle manifestait, à l’égard de son chef, le fidèle attachement d’un chien ; et sa tendresse, à laquelle se mêlait une note tragique, était plus émouvante que la dure résolution de son aînée. Pauline Stacey ne se souciait guère, en effet, du côté tragique de la vie ; elle niait même, paraît-il, son existence.

La vivacité rigide de son allure et sa froide impatience avaient beaucoup amusé Flambeau, le jour où il avait pris possession de son appartement. Il s’était attardé, dans le hall d’entrée, en attendant le retour du gamin préposé à la manœuvre de l’ascenseur, qui dépose généralement les visiteurs aux divers étages. Mais cette jeune fille, à l’œil de faucon, s’était ouvertement refusée à subir un tel retard. Elle avait affirmé qu’elle pourrait faire marcher l’ascenseur elle-même, et qu’elle ne dépendrait, pour cela, ni d’un gamin, ni d’un homme. Quoique son appartement ne se trouvât qu’au troisième étage, elle réussit, pendant les quelques secondes que dura la montée, à exposer à Flambeau, d’un