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Valentin réussit à se glisser derrière le gros arbre. Il resta là, silencieux et immobile comme un mort, et entendit, pour la première fois, les paroles qu’échangeaient les deux prêtres.

Après avoir écouté pendant quelques minutes, il fut saisi d’un doute sinistre. Avait-il entraîné les deux policemen anglais dans les solitudes nocturnes de ce « common » dans un but aussi insensé que celui de cueillir des figues sur les chardons qui y croissent ? Car les deux prêtres conversaient exactement comme des prêtres ; ils causaient pieusement, doctement, posément, des mystères les plus éthérés de la théologie. Le petit clergyman d’Essex parlait plus simplement, sa face ronde tournée vers les étoiles ; l’autre, au contraire, restait la tête inclinée, comme s’il n’était pas digne de les contempler. Mais il eût été impossible d’entendre une conversation plus innocemment ecclésiastique sous les arcades blanches d’un cloître italien ou sous les voûtes sombres d’une cathédrale espagnole.

Les premiers mots que le détective surprit appartenaient à la fin d’une phrase du Père Brown : « … c’est ce qu’ils voulaient dire au moyen âge, lorsqu’ils parlaient des cieux incorruptibles ».

Le grand prêtre approuva de la tête et dit :

— Ah oui, ces infidèles modernes font appel à la raison ; mais qui peut contempler ces millions de mondes et ne pas sentir qu’il peut y avoir de merveilleux univers, au-dessus de nos têtes, où la raison soit essentiellement déraisonnable ?