Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à employer ce petit marteau, lorsqu’il y en a dix autres plus lourds, à portée ?

Puis, baissant la voix, il dit à l’oreille du vicaire :

— Ce ne peut être qu’une personne incapable d’en soulever un plus lourd. Ce n’est pas tant la force ou le courage qui différencient les sexes. C’est la conformation des muscles de l’épaule. Une femme hardie peut tuer dix hommes, à l’aide d’un léger marteau, sans sourciller. Elle ne pourrait tuer un insecte, à l’aide d’un lourd marteau.

Wilfred regardait le docteur avec une sorte d’horreur hypnotique, tandis que le Père Brown, la tête légèrement inclinée sur l’épaule, lui prêtait une oreille attentive. Il reprit avec plus d’énergie :

— Pourquoi ces idiots s’imaginent-ils toujours que la seule personne qui haïsse l’amant d’une femme soit son mari ? Neuf fois sur dix, la personne qui a le plus de raison de haïr l’amant est la femme. Qui sait quels outrages, quelles trahisons elle n’a pas souffert ? Regardez !

Il désigna d’un geste furtif la femme rousse, sur le banc. Elle avait enfin relevé la tête et les larmes séchaient sur son beau visage. Mais ses yeux, fixés sur le cadavre, avaient un éclat électrique qui suggérait la folie.

Le révérend Wilfred Bohun fit un geste vague, comme pour écarter tout désir d’approfondir le mystère, mais le Père Brown, tout en faisant tomber de sa manche quelques cendres provenant du feu de la forge, dit, de sa voix indifférente :