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geron tourna le coin de l’église et pénétra dans la cour. Il s’arrêta brusquement, et son marteau lui échappa des mains. L’inspecteur, toujours correct et impénétrable, alla immédiatement vers lui.

— Je ne vous demanderai pas, monsieur Barnes, dit-il, si vous savez ce qui s’est passé ici. Vous n’êtes pas forcé de me répondre. J’espère que vous n’en savez rien et que vous serez en mesure de le prouver. Mais je dois procéder à la formalité de votre arrestation, au nom du roi, pour le meurtre du colonel Norman Bohun.

— Vous n’êtes obligé de rien dire, dit le cordonnier, avec une officieuse agitation. C’est à eux de tout prouver. Ils n’ont pas même encore prouvé que ce cadavre, avec la tête écrasée, est bien celui du colonel Bohun.

— Cela ne tient pas, dit le docteur, prenant le prêtre à part… C’est une invention digne d’une histoire de détective. J’ai plus d’une fois soigné le colonel, et je connaissais son corps mieux qu’il ne le connaissait lui-même. Il avait de très belles mains, mais très caractéristiques. Le deuxième et le troisième doigt étaient exactement de la même longueur. Oh ! il n’y a pas de doute, c’est bien le colonel.

Comme il abaissait le regard sur le corps mutilé, couché sur le sol, les yeux durs du forgeron immobile suivirent la même direction et s’arrêtèrent sur le même objet.

— Le colonel Bohun est mort ? dit-il, sans se départir de son calme… Alors, il est damné.

— Ne dites rien ! oh, ne dites rien ! cria le