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Il se tut un instant, regardant rébarbativement le corps à travers ses lunettes, puis il ajouta :

— La chose présente un avantage, c’est que, du coup, une foule de personnes se trouvent affranchies de tout soupçon. Si vous ou moi, ou n’importe quel homme de structure normale était accusé de ce crime, on ne songerait pas davantage à le condamner, qu’à condamner un enfant d’avoir volé la colonne Nelson.

— C’est ce que je dis, reprit le cordonnier avec entêtement, il n’y a qu’un homme qui ait pu faire le coup, et c’est l’homme qui aurait voulu le faire. Où est Siméon Barnes, le forgeron ?

— Il est allé à Greenford, bégaya le vicaire.

— Ou, plus vraisemblablement, en France, murmura le cordonnier.

— Il n’est ni à Greenford, ni en France, dit, d’une voix faible et incolore, le petit prêtre catholique qui s’était joint au groupe. Le fait est qu’il gravit la route là-bas et qu’il se dirige vers nous.

Les cheveux rudes et bruns du petit prêtre et sa large figure ronde ne présentaient rien de particulièrement intéressant, mais, eût-il été beau comme Apollon, personne ne l’aurait regardé, en ce moment. Tout le monde se tourna vers le sentier qui serpentait dans la plaine, au bas de la colline, sentier le long duquel le forgeron Siméon marchait, en effet, à grandes enjambées, son marteau sur l’épaule. C’était un colosse osseux, avec des yeux profonds, sombres et sinistres, et une barbe noire. Il causait