Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Quelle abomination a-t-il encore commise ? cria-t-il sans pouvoir maîtriser son émotion.

— C’est que, monsieur, reprit le cordonnier après avoir toussé, je crains qu’il n’ait rien fait, qu’il ne fasse plus rien. J’ai bien peur qu’il n’ait péri. Vous feriez vraiment mieux de venir voir, monsieur.

Le vicaire suivit le cordonnier. Ils descendirent un court escalier tournant et aboutirent à une sortie dominant le niveau de la rue. D’un coup d’œil, Bohun comprit la tragédie qui s’étalait à ses pieds, comme un plan. Dans la cour de la forge se tenaient cinq ou six hommes vêtus de noir et un inspecteur en uniforme. Parmi eux, se trouvaient le médecin, le ministre presbytérien et le prêtre d’une chapelle catholique du voisinage fréquentée par la femme du forgeron. Le prêtre parlait à voix basse, avec une grande animation, à la femme — une magnifique créature coiffée d’une chevelure d’or — qui sanglotait désespérément sur un banc. Entre ces deux groupes, presque à côté du tas de marteaux, était étendu un homme en habit de soirée, les bras en croix, le visage contre terre. D’où il se trouvait, Wilfred pouvait reconnaître tous les détails de son costume, jusqu’aux bagues de famille à ses doigts, mais le crâne n’était qu’une hideuse tache, une étoile noire et sanglante.

Wilfred Bohun, après un regard de surprise, descendit précipitamment les marches aboutissant à la cour. Le docteur, qui était le médecin de la famille, le salua, mais il n’y prit pas garde. Il ne put que balbutier :