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un banc, dans la tribune, sous un vitrail qu’il aimait particulièrement, et qui avait le don de calmer ses esprits ; c’était un vitrail bleu, avec un ange portant des lis. Là, il oublia, petit à petit, l’idiot avec sa face livide et sa bouche de poisson. Il oublia son frère, arpentant le village, comme un lion maigre et toujours affamé. Il s’absorba toujours davantage dans la contemplation des couleurs douces et froides des floraisons d’argent et du ciel de saphir.

C’est là que Gibbs, le cordonnier du village, qu’on avait dépêché vers lui en toute hâte, le trouva une demi-heure plus tard. Il se leva rapidement, car il savait qu’il fallait une raison grave pour que Gibbs vînt le chercher dans cette retraite. Comme le sont souvent les cordonniers de village, ce cordonnier était athée, et sa présence dans l’église était encore plus extraordinaire que celle du fou Joë. Cette matinée était décidément pleine d’énigmes théologiques.

— Qu’y a-t-il ? demanda Wilfred Bohun, avec quelque raideur, en étendant une main tremblante vers son chapeau.

L’athée parla d’un ton qui, venant de lui, semblait singulièrement respectueux et même sympathique.

— Excusez-moi, monsieur, murmura-t-il d’une voix rauque, mais nous avons cru bien faire en vous prévenant immédiatement. Je crains que quelque chose de terrible ne soit arrivé, monsieur. Je crains que votre frère…

Wilfred frappa ses mains frêles l’une contre l’autre.