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piqué au vif dans le point le plus sensible de sa nature. Mais, si tu ne crains pas Dieu, tu devrais tout au moins craindre l’homme.

L’aîné leva les sourcils.

— Craindre l’homme ? répéta-t-il poliment.

— Barnes, le forgeron, est l’homme le plus fort qui soit, à dix lieues à la ronde, répondit sévèrement le clergyman. Je sais que tu n’es ni faible, ni lâche, mais il pourrait sans peine te jeter de l’autre côté du mur.

Cette réplique porta, car elle était justifiée, et le sillon qui striait la joue du colonel Bohun se creusa sous ses narines. Son visage se contracta, un instant, en un ricanement muet, puis il retrouva sa brutale bonne humeur et éclata de rire, ses lèvres découvrant ses canines, sous ses moustaches.

— En ce cas, mon cher Wilfred, dit-il avec insouciance, le dernier des Bohun a bien fait de sortir casqué.

Et il enleva son curieux couvre-chef vert, pour montrer qu’il était doublé d’acier. Wilfred reconnut un léger casque japonais ou chinois, appartenant à une panoplie qui ornait le hall de famille.

— C’est le premier chapeau qui se trouvait à ma portée, expliqua son frère d’un air détaché ; il faut toujours prendre le premier chapeau et la première femme qui vous tombent sous la main.

— Le forgeron est allé à Greenford, dit Wilfred tranquillement, l’heure de son retour est incertaine.

Il tourna sur ses talons et entra dans l’église,