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l’église, en traversant la cour de la forge, mais il s’arrêta et fronça légèrement les sourcils, en voyant le regard caverneux de son frère fixé dans la même direction. Il ne perdit pas son temps à envisager l’hypothèse que le colonel pût trouver quelque intérêt à l’église. Ce ne pouvait donc être qu’à l’échoppe du forgeron. Quoique celui-ci, en tant que puritain, ne comptât pas parmi ses ouailles, Wilfred Bohun avait eu vent de certains scandales concernant sa femme, dont la beauté était célèbre dans le pays. Il lança un regard soupçonneux vers l’appentis, tandis que le colonel, éclatant de rire, se levait pour lui parler.

— Bonjour, Wilfred, dit-il. Tu vois qu’en bon seigneur, je passe mes nuits à veiller sur mes gens. Je vais, de ce pas, rendre visite au forgeron.

Wilfred baissa les yeux et répondit :

— Le forgeron est sorti. Il est allé à Greenlord.

— Je sais, reprit l’autre, avec un rire silencieux, c’est précisément pourquoi je vais lui rendre visite.

— Norman, dit l’ecclésiastique, en fixant un caillou de la route, ne crains-tu pas la foudre ?

— Que veux-tu dire ? demanda le colonel. Depuis quand t’occupes-tu de météorologie ?

— Je veux dire, reprit Wilfred, sans lever les yeux, ne crains-tu pas que Dieu te frappe un jour dans la rue ?

— Mille excuses, répondit le colonel ; je vois que tu t’occupes de folklore.

— Et toi, de blasphème, riposta le vicaire,