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à la mâchoire, de sorte qu’un ricanement semblait gravé sur sa face. Par-dessus son habit, il portait un curieux surtout jaune, qui ressemblait davantage à une robe de chambre qu’à un paletot, et il s’était planté sur l’occiput un chapeau extraordinaire, d’un vert criard, avec de larges bords ; évidemment quelque curiosité orientale ramassée au hasard. Il mettait une certaine fierté à s’exhiber dans un costume aussi incongru, car il savait qu’en le portant, il pouvait le faire paraître convenable.

Son frère, le vicaire, avait les cheveux de la même couleur, et la même élégance d’allure, mais il était boutonné jusqu’au menton dans sa redingote noire ; son visage rasé avait une expression raffinée et un peu nerveuse. Il ne semblait vivre que pour sa religion ; mais certains disaient (et le forgeron presbytérien était de ce nombre) que c’était plus par amour de l’architecture gothique que pour l’amour de Dieu, et que, s’il hantait l’église comme un revenant, c’était pour satisfaire, d’une manière moins vulgaire, cette même soif morbide de beauté qui poussait son frère vers les femmes et le vin.

Ce grief n’était guère justifié, car personne n’eût pu contester la pieuse activité du vicaire. Certains villageois, dans leur ignorance, ne pouvaient comprendre son penchant pour la solitude et la prière ; ils ne pouvaient admettre qu’au lieu de s’agenouiller devant l’autel, il préférât souvent s’isoler dans quelque retraite secrète, dans la crypte, dans la tribune, ou même dans le clocher. Wilfred était sur le point d’entrer dans