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un sage. Et il découvrit qu’il valait mieux avoir deux ennemis qu’un seul.

— Je ne vois pas cela, répondit Flambeau.

— Oh, c’est vraiment très simple. Simple sans toutefois être innocent. Les deux Saradine étaient des gredins, mais le prince, l’aîné, était de ces gredins qui se maintiennent à flot, tandis que le plus jeune, le capitaine, était de ceux qui coulent bas.

Ce misérable officier, de mendiant se fit maître chanteur, et parvint un jour à mettre le grappin sur son frère, le prince. Ce n’était évidemment pas pour une bagatelle, car le prince Paul Saradine était un forcené viveur et n’avait plus de réputation à perdre. Pour parler franc, c’était un crime capital, et Étienne avait littéralement mis un nœud coulant autour du cou de son frère. Il avait découvert la vérité concernant cette affaire de Sicile, et possédait la preuve que Paul avait assassiné le vieil Antonelli dans les montagnes. Le capitaine exploita si bien la situation que la superbe fortune du prince s’en trouva fort ébréchée.

Mais ce parasite n’était pas le seul sujet d’inquiétude de Saradine. Il avait appris que le fils d’Antonelli, un enfant à l’époque du meurtre, était imbu du sauvage loyalisme de son pays et ne vivait que pour venger son père, non pas légalement (car il ne possédait pas, comme Étienne, la preuve matérielle du crime), mais à l’aide des armes que lui fournissait l’antique vendetta. Le garçon avait appris à manier l’épée dans la perfection et, vers l’époque où il aurait