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— Paul, prince Saradine, à vos ordres, répondit poliment le vénérable vieillard, en levant son verre de sherry. Je vis ici très tranquillement, car je suis un homme d’intérieur. Par modestie, je me fais appeler M. Paul, pour me distinguer de mon infortuné frère Étienne. Il est mort, il n’y a pas longtemps, m’a-t-on dit, dans ce jardin. Ce n’est, vous le comprenez, pas ma faute, si ses ennemis le poursuivent jusqu’ici. Cela doit être entièrement attribué à la regrettable irrégularité de son existence. Ce n’était pas un homme d’intérieur.

Il se tut et regarda le mur, en face de lui, juste au-dessus de la tête inclinée de la femme. Brown reconnut cette ressemblance de famille qui l’avait hanté, chez son frère. Puis les vieilles épaules du vieillard se soulevèrent et furent un instant secouées, comme s’il s’étranglait, mais sa face resta imperturbable.

— Mon Dieu ! cria Flambeau, après un silence, il rit !

— Viens, dit le Père Brown qui était devenu blême. Quittons cette maison d’enfer. Rentrons dans notre honnête bateau.

La nuit était descendue sur les roseaux et sur la rivière lorsqu’ils eurent quitté l’île, et ils se laissèrent aller au fil du courant, en se réchauffant à la lueur de deux gros cigares, qui brillaient comme deux lanternes rouges. Brown retira le premier son cigare de la bouche et dit :

— Je suppose que tu comprends toute l’histoire à présent ? C’est, après tout, une bien vieille histoire. Un homme avait deux ennemis. C’était