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son ou pour une autre, il n’avait pas assisté au véritable drame, mais à un travesti, à une mascarade. Et pourtant, on ne se fait pas d’habitude pendre ou embrocher pour le plaisir de jouer une charade.

Comme il ruminait ces idées, assis sur les marches du débarcadère, il aperçut la grande ombre d’une voile descendant silencieusement sur la rivière brillante. Il bondit sur ses pieds, secoué par une telle réaction de sentiments, qu’il fut près de pleurer.

— Flambeau ! cria-t-il, en secouant énergiquement les deux mains de son ami, au grand étonnement de ce sportsman encombré par son attirail de pêche. Flambeau ! Alors tu n’es pas mort ?

— Mort ! répéta le pêcheur stupéfait. Et pourquoi serais-je mort ?

— Oh, parce que presque tout le monde l’est, dit son compagnon précipitamment. Saradine est assassiné, et Antonelli veut être pendu, et sa mère est évanouie et, pour ma part, je ne sais trop, pour l’instant, si je suis dans ce monde ou dans l’autre. Mais, grâce à Dieu, tu es dans le même que moi.

Et il s’empara du bras du perplexe Flambeau.

Ils quittèrent le débarcadère et, passant sous l’avant-toit de la maison de bambou, ils regardèrent par la fenêtre, comme ils avaient fait en arrivant. Ils virent, sous la lueur de la lampe, une scène d’intérieur bien faite pour arrêter leur attention. Lorsque le pourfendeur de Saradine était tombé comme la foudre sur l’île, la table était