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selon le rite adopté, que tout ce qu’il dirait pourrait être employé contre lui.

— Je ne dirai rien, dit le monomane, en conservant une merveilleuse sérénité. Je ne dirai plus jamais rien. Je suis très heureux, et je ne demande pas mieux que d’être pendu.

Puis il se tut, tandis qu’on l’entraînait. Et, si étrange que cela puisse paraître, il n’ouvrit plus la bouche, sauf pour se déclarer coupable devant ses juges.

Le Père Brown avait assisté au brusque envahissement du jardin, à l’arrestation de l’homme de sang, à l’enlèvement du cadavre (après qu’un médecin eut procédé à l’examen médical), comme on assiste au dénouement d’un mauvais rêve. Il était resté immobile, comme dans un cauchemar ; il avait donné son nom et son adresse, en qualité de témoin, mais il avait refusé le bateau qu’on lui offrait pour regagner la ville, et était resté seul dans le jardin, contemplant le buisson de roses brisé et le théâtre verdoyant de cette rapide et mystérieuse tragédie. Les lumières s’éteignirent sur la rivière, le brouillard s’éleva sur ses rives marécageuses ; quelques oiseaux attardés rayèrent le ciel de leur vol incertain.

Le prêtre conservait, plantée obstinément dans sa subconscience (qui était exceptionnellement active), l’indicible certitude que tout n’était pas expliqué. Cette impression qui ne l’avait pas quitté, durant toute la journée, ne pouvait être suffisamment justifiée par l’idée qu’il se trouvait dans un « pays de glaces. » Pour une rai-