Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tiques. Les deux épées étincelaient, de la garde à la pointe, comme deux aiguilles de diamant. Il y avait quelque chose de terrible dans la petitesse et la gaîté apparente des deux silhouettes. On eût dit deux papillons qui se seraient efforcés de s’épingler mutuellement sur un bouchon.

Le Père Brown se mit à courir de toutes ses forces ; ses petites jambes tournèrent sous lui comme les rayons d’une roue. Mais, lorsqu’il parvint sur le champ de bataille, il s’aperçut qu’il était arrivé trop tôt et trop tard. Trop tard pour arrêter le combat, qui se poursuivait à l’abri de la rangée des farouches Siciliens appuyés sur leurs rames. Trop tôt pour assister à son issue tragique. Car les deux hommes étaient à peu près de même force. Le prince tirait avec une sorte de confiance cynique, le Sicilien avec une féroce circonspection. Peu d’assauts d’escrime furent jamais livrés en présence d’amphithéâtres bondés, plus impressionnants que celui qui cliquetait et étincelait en ce moment, sur cette île perdue, au milieu de la rivière bordée de roseaux. Cette lutte vertigineuse se poursuivit si longtemps, avec des chances égales, que l’espoir commença à renaître dans le cœur du prêtre. Selon toute probabilité, Paul ne devait pas tarder à ramener la police. Si Flambeau revenait de sa partie de pêche, peut-être pourrait-il intervenir, car, physiquement parlant, Flambeau valait quatre hommes. Mais le détective ne donnait aucun signe de vie, et, ce qui était plus singulier, Paul ne réapparaissait toujours pas. Il n’y