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ment jeune et était empreint d’une sincérité quasi monstrueuse.

— Tonnerre, cria le prince Saradine, et, mettant son chapeau blanc, il courut vers la porte d’entrée qu’il ouvrit toute large, dans le soleil couchant.

Le nouveau venu et sa suite s’étaient, dans l’entretemps, rangés sur la pelouse, comme une armée sur la scène. Les six rameurs avaient halé leur bateau sur la rive et le gardaient, dans une attitude menaçante, tenant leurs rames toutes droites comme des lances. Ils avaient le teint basané et quelques-uns portaient des boucles d’oreilles. L’un d’eux se tenait en avant, aux côtés du jeune homme au visage olivâtre et au veston rouge, et portait une longue boîte noire de forme peu familière.

— Votre nom, demanda le nouveau venu, est bien Saradine ?

Le prince répondit affirmativement, d’un air détaché.

Le jeune homme avait des yeux bruns et le regard lourd comme celui d’un chien ; ils différaient, autant que faire se peut, des yeux gris, inquiets et brillants du prince. Pourtant, une fois de plus, le Père Brown fut tourmenté par l’idée qu’il avait vu quelque part la réplique de ce visage. Mais il se souvint, encore une fois, de l’effet produit par la disposition des glaces de la chambre.

— Au diable ce palais de glaces ! murmura-t-il. Toutes les images s’y multiplient. C’est comme dans un cauchemar.