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thony devait être la version anglaise d’un nom de sonorité plus latine. M. Paul, le domestique, avait aussi un aspect vaguement étranger, mais ses manières et son langage étaient bien anglais, comme ceux de beaucoup de domestiques mâles de la noblesse cosmopolite.

Si charmante et extraordinaire qu’elle fût, la maison dégageait une étrange tristesse lumineuse. Les heures y semblaient des journées. Les longues chambres, abondamment éclairées, étaient pleines de jour, mais d’un jour mort. Et, à travers le bruit des conversations, du tintement des verres ou des pas des serviteurs, on pouvait constamment entendre le murmure mélancolique de la rivière.

— Nous nous sommes trompés de chemin et avons abouti à un mauvais lieu, dit le Père Brown, regardant, par la fenêtre, les roseaux gris-verts et le courant argenté. Peu importe ; il est parfois possible à un brave homme de faire du bien dans un mauvais lieu.

Quoique d’ordinaire silencieux, le Père Brown était un petit homme étrangement sympathique. Durant les quelques heures interminables qu’il séjourna dans la maison des Roseaux, il pénétra inconsciemment plus avant dans ses secrets que son ami, le détective. Il possédait cet art de se taire à propos, qui provoque les confidences, et, sans rien leur demander, il obtint, de ses nouvelles relations, toutes les informations qu’on aurait pu en obtenir. Le domestique était, il est vrai, d’une nature peu communicative. Il manifestait une affection bourrue et presque animale