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ayant abordé le bizarre îlot, se trouvèrent auprès de la curieuse et silencieuse maison.

Le derrière de l’habitation était tourné vers la rivière et vers l’unique débarcadère. L’entrée principale était de l’autre côté, et donnait sur le long jardin formé par l’îlot. Pour l’atteindre, les visiteurs durent suivre un étroit sentier, courant autour de trois côtés de la maison, sous l’avant-toit. À travers trois fenêtres différentes, de trois côtés différents, ils purent voir, à l’intérieur, une longue chambre bien éclairée, dont les murs, lambrissés de bois clair, étaient garnis d’un grand nombre de glaces. La table était mise, comme en prévision d’un lunch raffiné. La porte d’entrée était flanquée de deux vases bleu turquoise. Le domestique qui les reçut, — l’air lugubre et indolent — leur murmura discrètement que le prince Saradine était absent, pour le moment, mais qu’il devait revenir bientôt. La maison était préparée pour le recevoir, ainsi que ses hôtes. Lorsqu’il lut, sur la carte que lui tendait Flambeau, les quelques mots tracés à l’encre verte, un éclair d’intérêt illumina son visage morne et parcheminé, et ce ne fut pas sans quelque hésitation qu’il proposa aux deux étrangers d’attendre.

— Son Altesse peut être de retour d’un instant à l’autre, dit-il, et elle serait désolée d’avoir manqué un visiteur invité par elle. Nous avons l’ordre de tenir un déjeuner froid toujours prêt, au cas où ses amis surviendraient à l’improviste, et je suis convaincu qu’elle désirerait me voir vous l’offrir.