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de la rivière. Flambeau poussa de l’avant, sans plus de commentaires.

Le bateau doubla plusieurs boucles herbues et glissa le long de maintes berges silencieuses, mais, avant que les deux amis eussent eu le temps de se lasser de leurs recherches, ils aboutirent, après un brusque tournant, à une sorte d’étang ou de lac dont l’aspect les surprit. Au milieu de cette large pièce d’eau bordée, de toutes parts, par des roseaux, se trouvait un long îlot peu élevé, le long duquel courait une longue habitation, basse d’étage. C’était une sorte de bungalow, construit en bambou ou en quelqu’autre roseau tropical. Les bambous dressés, qui formaient les murs, étaient d’un jaune pâle ; les bambous couchés, qui formaient le toit, étaient d’un brun ou d’un rouge plus foncé. À ce détail près, cette longue habitation était d’un aspect tout à fait monotone. La brise matinale agitait les roseaux, autour de l’île, et sifflait à travers les interstices de l’étrange maison, comme dans une gigantesque flûte de Pan.

— Pardieu ! cria Flambeau, nous y voilà enfin ! Voilà l’île des Roseaux, s’il y eut jamais une île de ce nom. Voilà la maison des Roseaux, ou je me trompe fort. Je crois que ce gros homme, avec ses favoris, était un elfe.

— Peut-être, remarqua impartialement le Père Brown. Mais, si c’était un elfe, c’était un mauvais elfe.

Tandis qu’il parlait, l’impétueux Flambeau avait poussé son bateau contre la rive, à travers les roseaux bruissants, et les deux compagnons,