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les guillemets pouvaient me trahir. Je les coupai, et pour faire paraître la chose naturelle, je taillai de même le reste du cahier de papier. Puis je sortis, laissant derrière moi, sur la table, la confession du suicide de Quinton, tandis que son auteur était encore vivant, mais profondément endormi, dans la serre.

« Ma troisième action fut plus audacieuse. Vous pouvez la deviner. Je fis semblant d’avoir vu Quinton mort, et je me précipitai vers la chambre. Je vous retardai à l’aide de ce papier et, grâce à mon habileté de chirurgien, je tuai Quinton, tandis que vous lisiez sa confession. Il était sous l’influence du soporifique. Je plaçai sa main sur le manche du poignard et l’enfonçai dans sa poitrine. La forme du couteau était si singulière que seul un opérateur eût pu calculer l’angle auquel il aurait pu percer le cœur. Je me demande si vous avez noté ce détail.

« Lorsque j’eus fini, un phénomène extraordinaire se produisit. La Nature me trahit. Je me sentis malade. J’éprouvai l’impression d’avoir fait quelque chose de mal. Je crois que mon cerveau se détraque. Je ressens une sorte de joie désespérée à l’idée que j’ai dit la chose à quelqu’un, que je ne serai pas seul à porter ce poids, si je me marie un jour et si j’ai des enfants. Que se passe-t-il en moi ?… Est-ce que je deviens fou, ou bien peut-on éprouver des remords, tout comme si l’on sortait d’un poème de Byron ! Je ne peux plus écrire. — James Erskine Harris. »