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Ils s’installèrent confortablement sur le banc. Contre son habitude, le Père Brown accepta un bon cigare et le fuma consciencieusement et silencieusement, tandis que la pluie sifflait en cinglant le toit.

— Mon ami, dit-il enfin, c’est une affaire bien bizarre, bien bizarre.

— Je crois bien, dit Flambeau, en dissimulant à peine un frisson.

— Tu l’appelles bizarre, et je l’appelle bizarre, et pourtant nous entendons par là deux choses totalement différentes. L’esprit moderne confond constamment ces deux idées : le mystère qui dérive du caractère merveilleux d’un objet et le mystère qui dérive de son caractère compliqué. C’est une des difficultés qu’il éprouve en présence des miracles. Un miracle est surprenant, mais il n’en est pas moins simple pour cela. Il ne peut être que simple puisque c’est un miracle. C’est la manifestation directe de la puissance de Dieu (ou du diable), au lieu d’être une manifestation indirecte de cette puissance par l’intermédiaire de la volonté naturelle ou humaine. Cette affaire est mystérieuse, pour toi, parce qu’elle est miraculeuse, parce que c’est quelque sorcellerie machinée par un méchant Hindou. Comprends-moi bien. Je ne veux pas dire qu’il n’y ait là aucune action spirituelle ou diabolique. Le ciel et l’enfer savent seuls par suite de quelles influences ces tentations étranges s’emparent de la vie humaine. Mais, pour le moment, je me borne à dire ceci : Si c’est, comme tu le penses, de la magie, c’est merveilleux, mais