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l’imagerie de l’Orient, vers ces énigmatiques tapis et ces éblouissantes broderies dans lesquelles toutes les couleurs semblent former un harmonieux chaos, dépourvu de sens et d’enseignement. Il s’était efforcé, sinon avec un véritable succès artistique, du moins avec une indéniable imagination, de faire passer, dans ses épopées et ses romans d’amour, cette débauche de couleur, toujours violente et parfois cruelle. L’or fauve et le cuivre écarlate du ciel tropical brûlaient dans ses œuvres. On y voyait des héros couronnés de mitres, hautes comme douze turbans, chevauchant des éléphants peints en violet et en vert paon, — des joyaux gigantesques que cent nègres ne pouvaient parvenir à soulever, et qui brûlaient d’un feu antique et mystérieux.

En somme (pour parler le langage du sens commun), il pratiquait beaucoup les paradis orientaux, qui semblent pires que la plupart de nos enfers d’Occident, les monarques orientaux, que nous appellerions plus volontiers des maniaques, et les joyaux orientaux qu’un joaillier de Bond Street (en admettant que les cent nègres, pliant sous le faix, fussent parvenus à les introduire dans sa boutique) pourrait ne pas considérer comme véritables. Si morbide qu’il fût, Quinton avait du génie ; mais sa morbidité s’accusait encore plus dans sa vie que dans son œuvre. Son caractère était faible et irascible, et sa santé avait beaucoup souffert de certaines expériences orientales où l’opium avait joué son rôle. Sa femme, que sa beauté n’em-