Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.

clôture. Au pied de la tombe croissaient de hauts chardons fanés, d’un gris d’argent. Une ou deux fois, le vent, brisant une de leurs boules de duvet, en éparpilla les semences autour d’eux. Craven ne put réprimer un mouvement de crainte, comme si une flèche venait de l’effleurer.

Flambeau enfonça le fer de sa bêche dans l’herbe sifflante, puis dans l’argile humide. Mais il s’arrêta bientôt, et s’appuya dessus, comme sur un bâton.

— Vas-y, dit le prêtre très doucement, nous tâchons seulement de découvrir la vérité. Que crains-tu ?

— Je crains de la découvrir, répondit Flambeau.

Le policier rompit brusquement le silence et, d’un ton qu’il s’efforçait vainement de rendre jovial et détaché, il cria :

— Je me demande pourquoi il s’est caché ainsi. Quelque chose de dégoûtant, je suppose. Était-ce un lépreux ?

— Pis que cela, dit Flambeau.

— Et que pouvez-vous imaginer de pire qu’un lépreux ?

— Je ne peux pas me l’imaginer.

Flambeau se mit à bêcher avec une énergie farouche. Mais la tempête avait repoussé bien loin les lourds nuages, qui s’accrochaient aux montagnes comme de la fumée, et révélé des champs de lumière grise, faiblement éclairés par les étoiles, avant qu’il eût dégagé du trou la forme d’un grossier cercueil de bois et qu’il fût par-