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parut. Je ne veux pas dire qu’il s’expatria ; selon toute probabilité il resta dans le château. Mais quoique son nom fût inscrit dans le registre de l’église et dans l’almanach de la noblesse, personne ne parvint plus à le voir.

Le seul homme qui était peut-être resté en rapport avec lui était un domestique qui cumulait les fonctions de valet et de jardinier. Il était si sourd, que les esprits pratiques le déclaraient muet, tandis que d’autres, plus pénétrants, le proclamaient idiot. C’était un maigre journalier, à la chevelure rousse, avec une mâchoire et un menton résolus et des yeux bleus, très vagues. Israël Gow était le seul domestique de ce domaine désert. Mais l’énergie avec laquelle il bêchait ses pommes de terre et la régularité avec laquelle il disparaissait dans la cuisine entretenaient les gens dans l’idée qu’il pourvoyait aux besoins de son maître, et que l’étrange comte était caché dans le château. Si l’on avait encore eu quelques doutes à ce sujet, ils eussent été dissipés par Gow, qui ne cessait d’affirmer qu’il n’était pas chez lui. Un matin, le prévôt et le ministre (car les Glengyle étaient presbytériens) furent mandés au château. Ils trouvèrent que le jardinier-valet-cuisinier avait ajouté, à ces nombreuses fonctions, celle d’employé des pompes funèbres, et avait cloué son maître dans son cercueil. On ignorait jusqu’à quel point les recherches avaient été poussées, à ce moment, car aucune enquête légale n’avait été faite avant que Flambeau partît pour le nord, deux ou trois jours plus tôt. À son arrivée, le corps de Lord