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instant, un petit homme, coiffé d’un brillant chapeau de soie, apparut dans la pâtisserie, piétinant d’impatience.

Angus, qui, pour des raisons d’hygiène mentale, avait jusqu’alors conservé un ton enjoué, trahit la tension de son esprit en sortant brusquement de la chambre pour aller à la rencontre du nouveau venu. Un seul regard lui suffit pour confirmer les furieuses suppositions que lui inspirait son amour. Cet être sémillant, de taille minuscule, avec sa barbe en pointe portée insolemment en avant, ses yeux inquiets, ses mains soignées mais nerveuses, ne pouvait être que l’homme qu’on venait de lui décrire : Isidore Smythe, qui faisait des poupées à l’aide de pelures de bananes et de boîtes d’allumettes, Isidore Smythe qui faisait des millions à l’aide de sobres domestiques et de prudes servantes, au cœur de métal. Un instant, les deux hommes, comprenant instinctivement la situation, se dévisagèrent, avec cette étrange et frigide générosité qui est l’âme même de toute rivalité.

Mr. Smythe ne fit pourtant aucune allusion à la cause profonde de leur antagonisme, mais dit simplement et violemment :

— Miss Hope a-t-elle vu cette chose à la fenêtre ?

— À la fenêtre ? répéta Angus.

— Je n’ai pas le temps d’expliquer davantage, dit vivement le petit millionnaire. Nous devons découvrir l’auteur de cette mauvaise plaisanterie.

Il indiqua, de sa canne, la vitrine récemment