Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Enchanté, repartit gravement Angus. Vous pourriez parler de moi aussi, tant que vous y êtes.

— Oh ! taisez-vous donc et écoutez, dit-elle. Ce n’est rien dont je sois honteuse, ce n’est même rien que j’aie lieu de regretter spécialement. Mais que diriez-vous, s’il y avait, dans ma vie, quelque chose qui, sans me concerner directement, soit devenu pour moi un cauchemar ?

— Dans ce cas, dit Angus imperturbablement, je vous conseillerais de remettre le gâteau sur la table.

— Vous devez d’abord m’écouter, répondit Laure, sans se laisser démonter. Je dois vous dire que mon père possédait, à Ludbury, l’auberge du « Poisson Rouge » et que je servais les clients, dans le bar.

— Je me suis souvent demandé, dit-il, pourquoi il régnait, dans cette confiserie, une atmosphère chrétienne.

— Ludbury est un petit trou endormi et herbu, perdu dans les comtés de l’Est, et les seuls clients qui fréquentaient le « Poisson Rouge » étaient, de temps à autre, des commis voyageurs et, pour le reste, les gens les plus horribles que vous puissiez voir — mais vous ne les avez jamais vus. Des flâneurs, qui ont juste de quoi vivre, et n’ont rien d’autre à faire que de se vautrer dans les bars et parier aux courses. Ces misérables bons à rien n’étaient d’ailleurs pas nombreux chez nous. Deux d’entre eux étaient par trop communs, communs de toutes