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tiant que l’établissement n’avait certainement pas cette intention ; que c’était une surprenante erreur. Il s’empara du sucrier et l’examina, il se saisit de la salière et la contempla. Ses traits prirent une expression de plus en plus stupéfaite. Il pria enfin Valentin de l’excuser un instant, sortit en toute hâte et revint bientôt avec le propriétaire du restaurant. Celui-ci inspecta également d’abord le sucrier, ensuite la salière, et ses traits prirent la même expression stupéfaite.

Tout à coup, le garçon s’étrangla dans un flot de paroles :

— Ze crois, bégaya-t-il précipitamment, ze crois que ze zont zes deux clergymen.

— Quels clergymen ?

— Les deux clergymen, dit le garçon, qui jetèrent leur soupe au mur.

— Leur soupe au mur ? répéta Valentin, persuadé qu’il s’agissait de quelque métaphore italienne.

— Oui, oui, répéta fébrilement le garçon en indiquant du doigt la tache noire sur le papier blanc, ils l’ont jetée là, sur le mur.

Valentin questionna du regard le propriétaire qui lui fournit quelques détails.

— Oui, monsieur, dit-il, c’est exact, quoique je ne pense pas que cela ait rien à faire avec le sucre et le sel. Deux clergymen sont entrés ici de très bonne heure, dès que les volets furent ouverts. Ils ont pris de la soupe. Ils étaient tous deux très calmes et d’apparence respectable. L’un d’eux paya la note et sortit ; l’autre, qui semblait plus lent dans ses mouvements, s’at-