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de dix ou douze ans. Mais cet endroit n’avait pas moins d’attrait pour des jeunes gens d’un âge plus avancé. L’un d’eux, qui avait au moins vingt-quatre ans, contemplait précisément la vitrine. Pour lui aussi, la boutique semblait dégager un charme ardent ; cette attraction n’était pas due uniquement aux pralines de chocolat, qu’il était toutefois bien loin de mépriser.

C’était un grand gaillard roux, large d’épaules, les traits décidés, mais d’allure insouciante. Il portait sous le bras un portefeuille gris, bourré d’esquisses qu’il était parvenu à vendre, avec plus ou moins de succès, à quelques éditeurs. Son oncle, un ex-amiral, venait de le déshériter ; il soupçonnait son neveu de socialisme, depuis que celui-ci avait fait une conférence dans laquelle il combattait cette théorie économique. Le jeune homme se nommait John Turnbull Angus.

Il se décida enfin à entrer et, saluant à peine la demoiselle assise au comptoir, il se dirigea vers l’arrière-boutique, où se trouvait le restaurant de la pâtisserie. Après un moment, la demoiselle, une brune élégante, vêtue de noir, avec une brillante carnation et des yeux vifs, le suivit dans cette chambre, pour prendre sa commande.

Cette commande avait évidemment été fréquemment répétée.

— Je désirerais, dit le jeune homme avec précision, un petit pain d’un sou et une petite tasse de café noir.

Et, avant que la jeune fille eût eu le temps de se détourner, il ajouta :

— Je désirerais aussi vous épouser.