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jamais pu conserver un certain niveau de vice. Cette route descend toujours plus bas. L’homme bon se met à boire et devient cruel. L’homme sincère tue, et déguise son crime sous le mensonge. J’en ai vu beaucoup, comme toi, qui ont commencé par être d’honnêtes hors-la-loi, de joyeux voleurs dépouillant le riche du fardeau de ses richesses, et qui ont fini dans la boue. Maurice Blum fut, au début, un anarchiste plein de principes, un père pour le pauvre ; il finit comme un sale espion, un mouchard, également méprisé par les deux camps. Harry Bourke, lorsqu’il commença son mouvement d’ « argent libre », était plein de sincérité ; il boit aujourd’hui, aux dépens d’une sœur misérable, d’innombrables brandy-sodas. Lord Amber se jeta dans la pègre comme dans une sorte de chevalerie ; il est aujourd’hui la proie des plus vils maîtres chanteurs de Londres. Avant toi, le capitaine Barillon était le premier gentleman apache de son temps ; il mourut dans un cabanon, hurlant de peur, à la pensée des délateurs et des recéleurs qui l’avaient trahi et ruiné. Je sais que les bois ont l’air d’être libres derrière toi, Flambeau ; je sais qu’en un instant tu pourrais t’y évanouir comme un singe. Mais un jour viendra où tu seras un vieux singe gris. Tu seras alors blotti, dans ta libre forêt, le cœur froid, sentant venir la mort, et les sommets des arbres seront dépouillés de feuilles.

Rien ne bougea, comme si le petit homme, en bas, tenait l’autre, dans l’arbre, à l’aide d’une longue laisse invisible. Il continua :