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Elle était à un tel point enveloppée de fourrures brunes que ses cheveux se confondaient avec sa pelisse. Si l’on n’avait remarqué son charmant visage, elle eût ressemblé à un petit ours trottant dans l’avenue.

L’après-midi d’hiver tirait à sa fin, et la lumière rouge du soir envahissait déjà les parterres dénudés, comme si elle avait voulu y répandre les âmes des roses fanées. D’un côté de la maison se trouvait l’écurie ; de l’autre, une allée de lauriers conduisait vers le jardin situé derrière. Après avoir jeté son pain aux oiseaux (pour la quatrième ou cinquième fois, ce jour-là, parce que le chien le mangeait chaque fois), la jeune fille se glissa dans l’allée de lauriers et dans un petit bois d’yeuses verdoyantes, au delà. Ici elle poussa un petit cri de surprise, spontané ou rituel — qui le dira ? — et aperçut, à califourchon sur le haut du mur du jardin, au-dessus de sa tête, une figure quelque peu fantastique.

— Oh ! ne sautez pas, M. Crook, cria-t-elle avec un certain émoi, c’est beaucoup trop haut.

L’individu chevauchant ce mur mitoyen, comme il eût chevauché un cheval ailé, était un grand jeune homme, d’aspect anguleux, avec des cheveux noirs, coiffés en brosse, et des traits intelligents et même distingués. Son teint mat lui donnait un aspect quelque peu exotique rendu encore plus évident par la cravate rouge qu’il arborait, d’une manière provocante, et qui semblait la seule partie de ses vêtements dont il prît quelque soin. Peut-être était-ce un symbole. Il