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MONTBERNAGE.

bernage, ou plutôt, pour parler plus correctement, de Maubernage.

Ce faubourg, ainsi que nous l’avons dit page 12, pourrait réclamer, d’après Dufour, l’honneur d’avoir été l’antique Limonum.

Ce n’est pas pour une telle origine, mais à l’occasion de l’incendie dont il fut victime au commencement de ce siècle, qu’il fut chanté par un rimeur poitevin dont les excentricités poétiques amusaient alors nos joyeux pères.

De ce poëme sérieusement burlesque, notre ingrate mémoire n’a gardé, hélas ! qu’un hémistiche, celui dans lequel, voulant exprimer comment le feu avait été produit par une trombe d’eau qui avait inondé un tas de chaux vive, le Virgile poitevin, saturé des souvenirs mythologiques de son classique modèle, s’écriait, dans son style audacieusement figuré :

« Vulcain naît de Neptune, etc. »

Veuillez, ami lecteur, ne pas estimer, d’après ce produit intellectuel, la saveur d’une production indigène d’un tout autre goût.

Nous voulons parler des excellents fromages de Montbernage, qui, connus du populaire sous le nom de chabichous, jouissent, dans le monde culinaire, d’une réputation justement méritée, et surent conquérir un jour, dans un congrès spécial tenu par les plus fins gourmets, un rang fort distingué.

Toutefois, si vous aviez l’idée d’en goûter, et surtout d’en mettre en poche pour en faire part à vos amis, usez de la précaution que nous prenons toujours nous-même. Munissez-vous de quelques feuilles de papier carbonifère (fort utile invention de notre concitoyen, M. Pichot, place d’Armes), et enveloppez-en avec soin le produit maubernageois.

C’est là le seul moyen d’éviter à votre sens olfactif une épreuve à laquelle il résisterait peut-être difficilement, et qu’en tout cas les voisins obligés de voyager avec vous seraient en droit de ne pas subir.