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LE COMTE KOSTIA

et il a ses raisons pour cela. Demandez-lui de vous conter l'histoire de ses amours.

— Je craindrais que ce récit n'intéressât pas cet excellent jeune homme, objecta timidement le pope.

— Changez vos façons de parler! répondit le comte d'un ton sévère. M. Gilbert Savile n'est pas un excellent jeune homme; c'est un savant fort distingué dont j'estime infiniment le caractère et les talents, et j'entends qu'il soit respecté ici comme un autre moi-même.

— Ma position se dessine, me voilà devenu favori du tyran ! » pensa Gilbert.

Et il vit passer sur les lèvres de l'immobile Stéphane un sourire pâle et à peine ébauché qui signifiait, « Je l'avais bien deviné ! »

« Allons, mon père, reprit le comte, ne vous faite; pas tirer l'oreille, et récitez-nous votre petite histoires sinon, je me chargerai de la raconter à ma façon. »

Le bon père se hâta de s'exécuter. On aime mieux se donner les étrivières que de les recevoir. Il entama son récit d'une voix chevrotante, et tout en parlant il lorgnait mélancoliquement du coin de l'œil quelques assiettes auxquelles il n'avait encore donné qu'un premier assaut. Je ne rapporterai pas ici le fidèle exposé qu'il fit de ses mésaventures conjugales. Il suffit de dire qu'il avait eu le malheur d'épouser une petite maîtresse, très-impérieuse et très-coquette, dont il avait été l'esclave plus que le mari. Le père Alexis conta ses longues tribulations avec une candeur qui révolta Gilbert. Il en voulait à M. Leminof d'avoir contraint le saint homme à dévoiler ainsi à un étranger les secrets de sa vie intime; mais le père Alexis ne croyait pas avoir le