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LE COMTE KOSTIA

pas le droit de vivre pour leur propre compte.

M. Leminof développa ce beau système avec beaucoup de verve et d'animation. Gilbert trouvait un tel langage médiocrement respecteux pour la, mémoire de Mme Leminof, et, regardant Stéphane, il disait en lui-même au comte Kostia : J'aime à voir comme vous l'instruisez ? Mais Stéphane avait l'air de ne rien entendre; depuis longtemps il avait cessé de manger, et, le visage impassible, il regardait fixement son assiette vide.

« Ce qui est plaisant, dit encore M. Leminof, terminant son réquisitoire, c'est que les femmes savent fort peu de gré à la société de ses absurdes complaisances à leur égard. A les entendre, elles gémissent sous un joug intolérable. Ces étranges créatures ont une telle soif de domination, qu'elles voudraient mener à la baguette le soleil, la lune et les étoiles, et par surcroît de bizarrerie il se trouve de prétendus amis du progrès pour appuyer leurs prétentions! Ce sont ces mêmes novateurs qui pétitionnent en faveur de la suppression des quarantaines, car l'affranchissement de la femme et l'émancipation de la peste, ces deux questions-là sont étroitement liées. Mon cher Gilbert, vous êtes un homme raisonnable. Joignez-vous à moi pour porter un toast aux harems et aux lazarets !

Amen ? » s'écria le père Alexis, qui, n'écoutant que d'une oreille, ne se doutait guère de quoi il s'agissait; mais à ce mot de toast il avait tressailli, car il ne refusait jamais de boire une santé.

Son exclamation attira sur lui l'attention du comte.

« Le père Alexis est de mon avis, dit-il à Gilbert,