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LE COMTE KOSTIA

quiète ou souriante, n’exprimait que de puériles préoccupations ou des contentements plus puérils encore. Cette transformation était si rapide, qu’elle ressemblait à un véritable tour d'escamotage. On cherchait saint Jean, on ne le trouvait plus, et on était tenté de s'écrier : « O père Alexis, qu'êtes-vous devenu? L'âme qui se peint à cette heure sur votre visage n'est pas la vôtre. »

C’était un excellent homme que le père Alexis; malheureusement il avait un goût trop prononcé pour les plaisirs de la table. On pouvait lui reprocher aussi d'avoir une assez forte dose de vanité; mais son amour-propre était si ingénu, qu’il eût trouvé grâce devant les juges les plus rigoureux.

Ce père Alexis avait réussi à se persuader qu'il était un grand artiste, et cette persuasion faisait son bonheur. Ce qui est certain, c'est qu'il maniait la brosse et le pinceau avec une remarquable dextérité, et qu'il lui suffisait de quelques heures pour exécuter quatre ou cinq pieds carrés de peinture à fresque. Les doctrines du mont Athos, qu'il avait visité dans sa jeunesse, n'avaient plus de secrets pour lui; l'esthétique byzantine avait passé dans sa chair et dans ses os : il savait par cœur le fameux Guide de la Peinture, rédigé par le moine Denys et son élève Cyrille de Chio. Bref il connaissait à fond toutes les recettes moyennant lesquelles on fait des œuvres de génie, et à force de s'aider du compas, il peignait d'inspiration de saints bonshommes qui ressemblaient assez exactement à certaines figures sur fond d'or des couvents de Lavra et d’Iveron. Une. seule chose chagrinait et mortifiait le père Alexis, c’est que le comte Kostia Petrovitch