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LE COMTE KOSTIA

Cette mercuriale prononcée d'une voix tonnante produisit sur le père Alexis la plus douloureuse impression. Son premier mouvement fut d'élever vers la voûte ses regards et ses bras. Il prenait à témoin les vingt-quatre vieillards.

« Vous entendez ! leur disait-il. Le profane ose traiter de peinturlurages ces fresques incomparables qui porteront le nom du père Alexis jusqu’à la dernière postérité! »

Mais dans le cœur du pauvre pope la terreur succéda bientôt à l'indignation. Il laissa retomber se bras, et, se courbant vers le sol, il rentra sa tête dans ses épaules et s'appliqua à se faire petit. C'est ainsi qu'une tortue effarouchée se blottit dans son écaille et craint encore d'y tenir trop d'espace.

« Eh bien! que signifient ces simagrées ? Prétendez- vous nous faire attendre votre benedicite jusqu'à demain ? »

Le comte prononça ces mots du ton brusque d'un caporal qui commande à des conscrits la charge en douze temps. Le père Alexis fit un soubresaut, comme si on lui eût cinglé les reins d'un grand coup de fouet, et dans son trouble, en s'élançant vers son escabeau, il se heurta violemment contre l'angle d'un dressoir sculpté; ce choc terrible lui arracha un cri de douleur, mais ne put amortir son élan, et, tout en se frottant la hanche, il se précipita à sa place, sur quoi, sans se donner le temps de reprendre haleine, il marmotta d'un accent nasillard et d'une voix inintelligible un long benedicite qu'il eut bientôt expédié, et, chacun ayant lait un grand signe de croix, l’on servit le dîner.

« Quel étrange rôle joue ici la religion ! se disait