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LE COMTE KOSTIA


tremblement nerveux auquel il était sujet quand il éprouvait de fortes émotions. Gilbert ne put s'empêcher de dire à part soi ;

« Mon enfant, les séraphins et les apôtres sont bien vengés de l'humiliation que vous leur avez infligée! »

Il sembla que le jeune homme devinât la pensée de Gilbert, car, en relevant la tête, il lui lança un regard farouche ; puis il s’assit à la gauche de son père et demeura immobile comme une statue, les yeux attachés sur son assiette.

Cependant celui qu'on appelait le père Alexis ne paraissait pas, et le comte impatienté, jetant brusquement sa serviette sur la table, se leva pour l’aller chercher; mais au même moment la porte s’ouvrit, et Gilbert vit apparaître un visage barbu qui exprimait le trouble et l'effroi. Tout échauffé et tout essoufflé, le pope jeta sur son seigneur et maître un coup d'œil scrutateur. Du visage du comte il ramena ses regards vers l'escabeau vide ; il eût donné, je pense, son petit doigt pour pouvoir se couler sans être vu jusqu'à ce siège peu confortable.

« Père Alexis, vous vous oubliez avec vos éternels peinturlurages ! s'écria M. Leminof en se rasseyant. Vous savez que je n'aime pas à attendre. Je professe sans aucun doute une admiration passionnée pour les burlesques chefs-d’œuvre dont vous décorez les murs de ma chapelle; mais je ne puis souffrir qu’on me manque, et je vous prie de ne plus sacrifier les égards que vous me devez à votre sotte passion pour la peinture à la grosse brosse; sinon, j’ensevelirai un beau matin vos sublimes barbouillages sous une triple couche de chaux vive. »